14 juillet en 3 modes
Cette année, et ce n’est pas coutume c’est de la cérémonie du 14 juillet à Désaignes dont je vais vous parler.
Et il y a bien sûr une raison intéressante.
Cette cérémonie s’est déroulée exceptionnellement sous 3 modes.
–Le mode tradition avec la cérémonie nationale regroupant les corps constitués, le discours Républicain de Monsieur le Maire, les pompiers , le monument aux Morts, la Marseillaise, et les habitants de Désaignes .
-Le mode devoir de Mémoire avec la présentation par M Disandro fils du livre de son père, Christian dans la résistance.
Le livre relate les faits d’armes du détachement FTP Sampaix basé longtemps à la Raze sur les hauteurs de Désaignes. M Disandro a rendu un hommage appuyé aux habitants de Désaignes qui à l’époque avaient accueilli et soutenu les Maquisards , ce qui leur avaient permis de survivre et de se battre contre l’occupant .
M Disandro fils m’a confié son discours que je vous livre in extenso, tout y est dit, avec ferveur, avec admiration, avec les mots qu’il faut pour un devoir de mémoire accompli.
Merci Mr le maire de me donner la parole pour présenter le livre écrit par Christian le maquisard.
Pourquoi en ce jour de 14 juillet une telle présentation ?
Parce que ce livre est en grande partie un hommage au village de Désaignes, pour ce qu’il fut durant l’occupation et parce qu’il a été écrit par CHRISTIAN le maquisard, fils adoptif de Désaignes.
En effet Christian est natif de Provence, mais en 1944 il vient mener une guerre de partisan en Ardèche, très souvent après-guerre il revient dans ce charmant village retrouver ses amis, au soir de sa vie il construit une petite maison à Sautereau et vit paisiblement ses vieux jours ici, et il choisit d’être inhumé dans le petit cimetière du village pour rester près de ses amis ardèchois.
Oui, Christian était fils adoptif de Désaignes.Le titre de ce livre est « Maquisard à 20 ans en Haute Ardèche »,
Il raconte des faits de guerre, il décrit l’existence des trente maquisards du détachement Sampaix comme le ferait un reportage journalistique, oui c’est un livre qui raconte la guerre mais il raconte surtout de grandes histoires d’amitié.
D’abord l’amitié des maquisards entre eux, merveilleuse amitié qui perdurera jusqu’à leur dernier souffle, des histoires d’amour aussi, car il y eut des idylles avec les sœurs des copains, les camarades féminines de réseau, avec les jeunes paysannes des alentours des camps.
Mais aussi il raconte l’amitié nouée avec l’Ardèche, pour l’abris de ses montagnes de ses vallées, de ses forêts, de son terroir, pour l’amitié avec la population ardéchoise, tant villageoise que rurale .
Mais surtout il évoque passionnément l’amitié fusionnelle qui s’est nouée entre ces jeunes combattants de l’ombre et la communauté désaignoise de 1944.Christian dans son livre écrit :
«… traqués, pourchassés par les troupes allemandes nous sommes complétement sonnés. Il ne nous reste qu’une seule issue. Avec nos pauvres armes et nos rares munitions, aller au-devant des nazis et mourir.
Et puis, nous avons trouvé Désaignes. »
Il veut dire par là que Désaignes fut le refuge ultime. Ces combattants pourchassés sont alors passés de la désespérance à l’espoir.Mais on pourrait dire « Christian est fils adoptif de Désaignes, il est impartial, il cultive le romantisme.
Et bien non ce qu’il écrit est vrai et corroboré par de nombreuses sources.D’abord les maquisards survivants en 1984 ont à leur propre initiative apposés une plaque en marbre sur le fronton de votre mairie qui déclare :
« Le 11 juin 1984 les survivants de la Résistance Française accueillis ici il y a 40 ans s’alliant en pensée à leurs camarades disparus rendent un hommage solennel de reconnaissance à la cité de DESAIGNES où ils ont trouvé un soutien unanime pendant l’occupation allemande rendant possible leur combat victorieux contre l’ennemi. »
Ensuite d’autres figures de la Résistance ont tenu le même propos :
Le général de division François Binoche, compagnon de la libération a écrit :« Tous et toutes dans ce village de Désaignes ont favorisé la Libération … Désaignes est un village noble, aux traditions remontant loin dans notre histoire.
En considérant cette commune … on se sent particulièrement fier d’être français. »
Le colonel Ducros a écrit dans son livre « Montagnes ardéchoise dans la guerre :« De toute les localité connues dans notre vie de maquisard, Désaignes garde une place privilégiée dans nos cœur. »
Et pour finir un poète a composé ces quelques vers dédiés à Désaignes et plus précisément au café Bouchardon que les anciens ici ont connu dans un lointain passé. Il n’y a qu’en France où l’on glorifie un pays en parlant de son café.
« Il faisait froid dans ma vie
Quand Désaignes m’a accueilli,
le village vivait au ralenti
Dans sa torpeur, comme engourdi.
Poussons la porte et entrons
au café Bouchardon.
Ici on oublie tout !
Et des soucis j’en avais beaucoup. »
Ce poète maquisard, amoureux de Désaignes, c’est Mathéo, le généreux et indestructible Mathéo.
Il est là près de moi, fidèle à son devoir de mémoire .
Je vous demande l’applaudir car il est le dernier maquisard survivant, il les représente tous, il est la figure de cette Résistance qui nous a transmis en héritage la Liberté et la Dignité.
Le livre est disponible à la librairie « l’arbre à feuilles » à Lamastre.
-Le troisième mode a lui aussi attrait au souvenir et j’en ai été l’instigateur. Profitant de la sortie du livre de Disandro, et en accord complet avec les acteurs municipaux et ceux du Musée de Désaignes j’ai fait une démarche mémorielle ciblée.
A 60 ans et plus nous représentons, Disandro, Bouit, Sahy, Ranc, Antherion, Grousson présents à Désaignes ce 14 juillet et tous les autres, « la génération d’après ». Génération d’après les heures exaltantes de la Résistance. Ces moments nous ont été relatés par nos parents et grands parents, leurs récits ont peuplé nos imaginaires et ont façonné nos esprits. Mais qu’en sera t- il après nous ? Nos enfants sont dispersés de part le monde pour leurs activités, les souvenirs s’estompent car les vécus sont différents et notre devoir de mémoire à nous, génération d’après, et de préserver autant que possible ce qui nous tient à cœur. Désaignes a son musée avec une salle très documentée dédiée à la Résistance en Ardèche et à Désaignes. Salle constituée par Jean Bernard. Le musée a pour projet de numériser les documents afin de les rendre plus accessibles.
Nous avons pris l’initiative en accord avec le Musée de lancer une collecte de documents, de pièces matérielles et de souvenirs qui, je le sais dorment depuis des décennies dans les tiroirs des familles des anciens maquisards FTP et AS de Désaignes et de Lamastre.
Et c’est ainsi que pour « marquer le coup » et lancer officiellement cette collecte j’ai remis symboliquement au cours de la cérémonie, après un discours explicitant la démarche, quelques pièces à Geneviève Champeley présidente de l’association du Musée. Et ce sont trois pièces symboliques issues de ma collecte personnelle qui vont, entre autres, rejoindre le Musée : le brassard FFI de mon père, l’autorisation de circuler en voiture de Nénette Canonge, sage femme et messagère du Maquis et le Fanion du bataillon AS récupéré par Jeannot Sahy et confié pas ses enfants en particulier Joël.
Ces 3 pièces ne sont que le début d’une collecte qui nous espérons s’avérera intéressante.
« Faites passer le message ».
Raymond Bouit, 14 juillet 2018 Désaignes.
prise de contact: raymond.bouit@wanadoo.fr ,