Caroline Sinz s’est entretenue avec les Odettes, son vécu est dans le dernier journal Odette & Co
Caroline Sinz, journaliste-reporter pour France2 TV
« Vérifier aux trois sources »
Caroline, originaire de Lamastre, nous parle de son métier avec passion. Elle a toujours eu envie d’être journaliste. Au cours d’un voyage en Autriche, elle a rencontré des réfugiés chiliens qui avaient fui la dictature et la torture. Cela lui a donné envie de témoigner pour les pays étrangers et l’a motivée à faire l’école de journalisme.
Il y a aujourd’hui environ 70% de femmes dans les écoles de journalisme, et elles réussissent en moyenne mieux que les hommes. Pourtant, on ne retrouve pas cette proportion ensuite parmi les journalistes en activité : beaucoup de femmes abandonnent vers la trentaine pour privilégier leur vie de famille, car c’est un métier stressant, souvent décourageant au début quand on accumule les CDD et les « piges » ; et les équipes qui partent à l’étranger font des rotations de trois semaines : c’est compliqué pour avoir une vie de famille !
Caroline a été grand reporter sur les terrains de guerre jusqu’en 2011. « Autrefois, quand on partait à l’étranger, il fallait un matériel énorme. Les gouvernements pouvaient nous interdire certains accès, nous censurer. On était coupés du monde, à nos risques et périls. Aujourd’hui, on a les moyens techniques de faire du direct de partout-ou presque ; ça a révolutionné notre métier, de ne plus dépendre des pouvoirs dictatoriaux. On est passés du cheval à l’avion !»
Ce qui plaît à Caroline, c’est d’être en contact avec les gens. Le rôle du journaliste est de vérifier ses sources. A France 2 TV, une info est vérifiée à trois sources différentes ; c’est un code de déontologie.
« J’aime ce métier et j’estime avoir de la chance de le faire. Mais c’est beaucoup de stress, car l’info va très vite. Par exemple, pour le journal de 13h, il y a une première réunion à 9h ; mais il peut y avoir des événements entre 9 et 13h ! Dans ce cas, il faut dérusher à toute allure. Il faut tout donner en un minimum de temps, mais c’est ce que j’aime. »
Comment ça se passe, la préparation du journal télévisé ?
Un sujet moyen dure une minute quarante, un long format dure trois minutes. Six minutes, c’est déjà un très long format ! Les chefs de service établissent la liste des sujets avec les rédacteurs en chef. Les reporters proposent aussi des sujets. En moyenne, 30% des propositions des reporters sont retenues ; le reste des sujets leur est imposé. Il faut « coller » à l’actualité, suivre les tendances pour intéresser les gens. Les audiences sont analysées après chaque journal.
Le fait d’être une femme dans ce métier fait-il une différence ?
« Ma génération a eu davantage à se battre avec les journalistes-hommes, avec les rédacteurs, pour s’imposer. Mais c’est fini aujourd’hui.»
Caroline a été victime de viols lors d’un reportage en Égypte en 2011. Elle n’a pas été soutenue par sa chaîne, qui a mis sa parole en doute et lui a interdit d’en parler. Elle en a parlé malgré tout. Après cela, on l’a changée de service pour qu’elle ne fasse plus de reportage à l’étranger. C’est la double peine !
« J’ose espérer que ce serait différent aujourd’hui ! nous dit Caroline »
Le journaliste n’a pas une bonne image partout, qu’il soit homme ou femme ; dans les manifestations, on le considère souvent comme « vendu-e au pouvoir ». Le journaliste-télé est plus exposé car très visible, le risque d’otage est important.
L’avantage d’être une journaliste-femme est de pouvoir recueillir plus facilement, les confidences des autres femmes, particulièrement dans les pays où elles n’ont pas trop droit à la parole.
Peut-on être neutre dans ce métier ?
« Il faut être indépendant, ne pas appartenir à un parti et pouvoir aller partout. On est dépendants des visas bien sûr, certains pays n’en accordent pas. On s’efforce d’être neutre, mais on est humain : on choisit des personnages, des paroles, qui nous ont touchés. »
Et pour l’avenir ?
Caroline tient à ajouter : « France télévision est un service public, il n’est pas forcément là pour faire de l’audience. Il est très important à mes yeux qu’il reste un service public fort. Le projet de regrouper les différents services de France Info ( radio et télé), risque de supprimer des emplois et d’avoir ensuite recours à des reportages faits par des privés. »