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Rochepaule et son devoir de mémoire.
La commune de Rochepaule sous l’impulsion de Pierre Herz a fait son devoir de mémoire autour de la Résistance le 28 mai 2023.
Rochepaule pendant la période difficile des années de plomb du Vichysme et de l’occupation a vécu une période douloureuse, douloureuse à un point qui ne lui avait pas permis de se remémorer ces années de façon éclatante..
Rochepaule a eu la particularité d’avoir deux « Maquis » actifs sur la commune. Ces deux maquis étaient « libres », c’est-à-dire qu’à leurs origines ils ne dépendaient pas de structure « ardéchoises ».
Il y avait un maquis FTP donc communiste affilié à la Loire, le maquis Wodli, et un maquis dirigé par un frère des écoles chrétiennes le Frère Brunier et Isidor Dan, donc aux antipodes des cocos et qui lui ne s’était pas rapproché initialement de l’Armée Secrète. Ces deux maquis qui se sont toujours coordonnés localement ont finalement rejoint les FFI dans l’été 44 pour être éligibles aux dotations indispensables à leurs actions.
Rochepaule a vécu des heures difficiles car le maquis communiste Wodli a été attaqué par la milice et les allemands au printemps 44 sur dénonciation et avec la participation de miliciens locaux, l’attaque avait causé d’énormes pertes au maquis Wodli et les rescapés avaient promis de venger leurs camarades. Ce qui fait que la dernière action de la Résistance a été l’exécution en 1953 d’un milicien exilé en Espagne ayant participé au massacre en 44 des résistants. Un exemple d’épuration lente et réfléchie. On comprend que la mémoire locale en ait été marquée…
Il n’y avait donc pas eu jusqu’au 28 mai 2023 de vraie cérémonie.
Et en fait le même jour il y en a eu deux.
Une officielle avec tous les représentants des corps constitués : élus locaux, gendarmes, pompiers et discours autour de la capacité de résilience des populations devant les agressions et des atteintes aux droits fondamentaux, et une autre plus « familiale ».
Cette partie familiale pleine d’émotion mettait à l’honneur Paul Guigon, centenaire et dernier résistant AS de Rochepaule encore vivant qui a eu l’honneur de découvrir une plaque en son nom.
Paul Guigon était entouré de sa famille.
La famille de Claudius Brunier avait aussi fait le déplacement et un de ses neveux, maire de sa commune, a fait un discours retraçant le parcours du frère des écoles chrétiennes mort au combat de Soyons. Du coté maquis Wodli il n’y avait plus de survivants, mais le parti communiste était présent et son secrétaire départemental a pu s’exprimer par un discours clair autour de la situation actuelle en particulier les menaces sur la liberté que fait peser l’agression russe sur l’Ukraine.
Une foule nombreuse était venue assister à la cérémonie.
Il faut noter que la cérémonie officielle ayant précédé la familiale ce ne sont pas les élus qui ont comme le veut le protocole clôturé la cérémonie, mais le PC et Paul Guigon.
Je laisse à Pierre Herz le soin de vous expliciter les évènements.
Les Maquis Rochepaulois.Il aura fallu quinze ans de recherches à l’association « Rochepaule Pour Mémoire, Mémoire d’Avenir » pour retracer l’histoire des maquis rochepaulois. Pas moins de 110 maquisards constitueront le
maquis de l’Armée Secrète basé à l’école des Frères des Ecoles Chrétiennes, et plus de 60 combattants du maquis communiste Wodli se regrouperont au lieu-dit « Le Bosc » puis et au « Grand-Pré ».
Histoire peu vulgarisée car les maquis rochepaulois n’étaient pas contrôlés par la Résistance ardéchoise. C’étaient initialement des maquis libres. Le maquis Wodli était contrôlé par les F.T.P.F
(Francs-Tireurs et Partisans Français) de la Haute-Loire, sous le commandement de Théo VIAL-MASSAT, commandant inter-régional du réseau Wodli qui, peu avant sa mort, permit d’ouvrir ses
archives.Le maquis co-fondé par Claudius BRUNIER et Isidor DAN devait lui aussi se constituer librement regroupant la totalité de la jeunesse rochepauloise qui, refusant le S.T.O (Service du Travail
Obligatoire) entra en clandestinité. Sur le tard ces maquis acceptèrent de se coordonner auprès du commandement F.F.I de l’Ardèche tout en conservant leur liberté d’action autonome. Antérieurement
à ce ralliement volontaire, le maquis communiste Wodli et le maquis BRUNIER/DAN désormais affilié à l’Armée Secrète (18ème compagnie), s’étaient parfaitement coordonnés entre eux, pour mener des actions majeures sur le plateau ardéchois et bien au-delà. Ils combattirent également localement un maquis noir composé de pseudo-résistants. Les faits d’armes de ces deux maquis furent nombreux : attaque du dépôt d’essence de Lamastre où furent récupérés 2000 litres d’essence pour la Résistance ; attaque d’un train allemand en gare de Vion avec le sabotage des moteurs d’avions qu’il transportait, et la récupération de nombreux sacs d’avoine qui seront redistribués aux paysans rochepaulois ; coup de main commando chez les vignerons de Saint-Péray avec récupération des vins réquisitionnés par l’Occupant ; attaque d’un convoi allemand en direction de Lalouvesc ; récupération de deux instructeurs américains parachutés ; occupation du hameau de La Chapelle pour récupérer du matériel largué par l’aviation alliée ; édition de faux papiers, de cartes de ravitaillements, de faux laissez-passer, cache de familles et d’enfants juifs et leur évacuation en lieu sûr… Sans compter de multiples accrochages, sabotages et attentats. Et bien sûr le regroupement au château de Rochepaule de près de 100 maquisards, dont 40 partiront via Boffres combattre à la bataille de Soyons, infligeant de très lourdes pertes à l’ennemi. Les autres effectifs restant en réserve, Le 2 mai 1944 l’attaque par la Milice au « Grand Pré » devait voir la perte de Robert IMBERT dit « Max », de Vasco CORSI dit « Pierrot ». Le Frère BRUNIER dit « Magellan » sera tué le 26 août 1944 à Soyons, précédé par Francis GOMEZ en repérage sur cette localité, achevé à coups de crosse après un accrochage avec une patrouille allemande. De nombreux Résistants rochepaulois furent déportés et ne reviendront pas des camps, REY dit « Ernestito, BOYER dit « Claude », ZUZO dit « Victor », inscrits sur une grande plaque commémorative au Monument de Rochepaule avec les Résistants BRUNIER, IMBERT, CROS, SARTRE. A la demande de « Rochepaule Pour Mémoire, Mémoire d’Avenir », la Ville de Soyons érigea en août 2021, une stèle en « Reconnaissance éternelle » aux Maquisards rochepaulois. Il en sera de même prochainement à Rochepaule, avec l’inauguration de la stèle des Maquisards pour le 80ème anniversaire du Conseil National de la Résistance en mai 2023 avec l’épitaphe suivante : « Hommage aux Maquisards et Résistants rochepaulois de l’Armée Secrète et du Réseau Wodli qui ont lutté contre la barbarie nazie et pour la liberté des générations futures ». Paul GUIGON âgé de 99 ans, maquisard rochepaulois de l’Armée Secrète est le dernier témoin vivant à avoir vécu tous ces évènements.Maquisards rochepaulois.Hommage aux Maquisards tués par la Milice à Rochepaule.Claudius BRUNIER. Chef du maquis A.S. à Rochepaule.
Claudius BRUNIER, Frère Léon PARFAIT en religion, alias « Magellan » en Résistance. sera malgré son jeune âge un grand Résistant, co-fondateur du maquis de Rochepaule formé
par Gaëtan VIDIANI chef départemental A.S. de la Loire. Il sera le chef des 110 maquisards du village, dont 40 mèneront « La bataille de Soyons » où il trouvera la mort au
combat, fauché par une rafale de mitrailleuse, à l’âge de 20 ans. Professeur des Frères des Ecoles Chrétiennes à Rochepaule. Il entra en Résistance dès 1942 notamment sur la région
de Saint-Etienne où il rencontrera Isidor DAN avec qui il organisera le maquis rochepaulois.
Il fut le jeune agent de liaison transportant des messages importants entre les différents groupes de Résistants de la Haute-Loire et de la Haute-Ardèche. Il fut également envoyé en
contact avec la Résistance du Vercors de par son statut professoral, qui lui permettait de se déplacer avec les autorisations nécessaires. L’Ecole des Frères du village, à la barbe de
l’Occupant et des collaborateurs du régime de Vichy devait sous son égide se transformer en un lieu clandestin tout en continuant à recevoir les élèves. Planques d’armes et matériel de
propagande sous les planchers, accueil des Résistants se faisant passer pour « des Frères », accueil d’enfants juifs scolarisés comme catholiques, mais surtout P.C. opérationnel du
maquis constitué essentiellement de jeunes réfractaires au S.T.O. Claudius BRUNIER fut également l’artisan d’un rapprochement pour les actions commandos et de sabotage contre
l’ennemi avec l’autre maquis rochepaulois d’obédience communiste. Il fut à la tête de ses hommes dans toutes les actions que ceux-ci menèrent sous ses ordres. Chaque année des
hommages lui sont rendus à Rochepaule où il fut initialement inhumé, ainsi qu’à Labâtie-Divisin en Isère d’où il était originaire et où sa dépouille fut par la suite transférée...Isidor DAN. Co–fondateur du maquis A.S. à Rochepaule.
Tour à tour suivant les aléas de l’Histoire, roumain, hongrois, tchécoslovaque, Isidor DAN voit le jour à Vel’ka un village aujourd’hui situé en Slovaquie. D’origine juive, bien que
catholique il doit fuir lors de « la terreur blanche » ouvrant la voie aux violences antisémites, avec ses parents dont le père est traducteur de français et la mère professeur de piano et de
français. Le voici en France à 17 ans et se fait engager comme coursier aux Usines Panhard-Levassor de Paris. Il fera partie comme engagé volontaire de ces 45000 étrangers qui font
servir la France en 1939. Affecté au 5ème Régiment d’Infanterie, il sera avec sa compagnie cité à l’Ordre de l’Armée. Démobilisé il échappe à la rafle et à l’internement des volontaires
étrangers qui ont servi selon Vichy « l’autre France ». Le voici à Saint-Etienne où il prend le nom de Résistance « Igor » et rejoint le groupe COMBAT. Il fera partie des groupes de choc
chargé notamment des attentats à l’explosif conte les collaborateurs et les dépôts de journaux pro-nazis. Il rejoint ensuite la section « sabotage » puis la section « maquis » sous le
commandement de Gaëtan VIDIANI (A.S. Loire). C’est dans ce contexte qu’il rencontreClaudius BRUNIER. On le retrouve au Chambon-sur-Lignon où il sera le correspondant
clandestin de familles juives, puis à Rochepaule où il fonde avec Claudius le maquis. Il sera de toutes les opérations de la Résistance locale jusqu’en février 1944 où il sera envoyé à
Alboussière (07) pour rapatrier 7 juifs qui viennent d’échapper à la soldatesque allemande et à la gestapo et qu’il conduira en Suisse via le pont de Biaufond après un périple de plusieurs
jours dans le maquis de l’Ain. On le retrouve participant à la Libération de Paris selon un rapport d’Henri ROMAINS-PETIT qui fut l’organisateur de plusieurs maquis de l’Ain et du
Haut-Jura. On perd dès lors sa trace. Est-il retourné en Tchécoslovaquie ? L’autre hypothèse, plus probable c’est qu’il fut l’un de ces combattants non identifiés tués lors des combats pour
la Libération. Outre ses faits d’armes militaires et dans le Résistance de nombreuses familles juives lui doivent leur survie et Rochepaule l’organisation de son maquis..Vasco CORSI. Chef du maquis Wodli à Rochepaule.
Vasco CORSI, alias « Pierrot » est né le 1er septembre 1913 à Calcinaia en Toscane (Italie) dans une famille de modeste condition, il dut émigrer en France pour avoir un travail et
pouvoir survivre comme beaucoup d’italiens de cette époque. C’est en Arles, en Provence que Vasco CORSI va travailler et s’engager dans le mouvement ouvrier des années 30. Il
adhère aux partis communistes français et italiens, combat à partir de juillet 1936 en Espagne où il côtoie André MALRAUX. Approuvant l’appel de Charles TILLON du 17 juin 1940, il
entre dans la clandestinité et prend part à la Résistance dont il devient un dirigeant dans la région d’Arles. La police de Vichy l’arrête le 22 mai 1942, soumis à la torture, il ne parlera
pas. Condamné à la prison à perpétuité par la cour militaire de Marseille, il parvient à s’évader au début de l’année 1943 mais retombe dans les mains de la Gestapo. Enfermé à la
prison du Puy-en-Velay, il subit les tortures les plus dures mais il ne trahit pas ses compagnons d’armes. En septembre les Partisans le libère en attaquant la prison. Vasco
CORSI rejoint l’Ardèche et devient à Rochepaule le commandant reconnu du réseau Wodli.
Il organisera et participera à toutes les actions commandos avec ses hommes dont notamment la prise de contrôle du hameau de La-Chapelle-sous-Rochepaule pendant plus de 48 heures
pour récupérer les armes et matériels d’un parachutage effectués par les Alliés au mauvais endroit. Il combattra le maquis noir local composé de faux-résistants et fera échouer une
tentative d’assassinat de ces derniers à l’encontre de Claudius BRUNIER, chef du maquis de l’Armée Secrète à Rochepaule. Il devait tomber sous les balles des miliciens, lors de
l’attaque par la milice au « Grand Pré » à Rochepaule en tentant de s’échapper après avoir été fait prisonnier. Son corps sera profané par les miliciens et exposé sur des escaliers au
Village. Dès Août 1944 les membres de son réseau commenceront une série de représailles contre les miliciens ayant pris part aux opérations à Rochepaule qui se poursuivront jusqu’en
1953 où Jean LOZACH le chef milicien sera exécuté à Rochepaule après sa cavale en Espagne. Une promesse faite par les Maquisards lorsque les honneurs lui avaient été rendus
le 4 mai 1944 lors de son inhumation provisoire au cimetière de Rochepaule..Régis CROS, Résistant Rochepaulois.
Maquisard du réseau Wodli, Régis Cros aura une intense activité résistante. Il est actif dès 1942 où son rôle est de réceptionner à Saint-Etienne et de mettre en sécurité les Résistants
ayant franchi la ligne de démarcation. Le 17mars 1943 il abat dans la forêt du Pinet à Rochepaule un officier et un sous-officier allemand. En Avril 1943, il sert de chauffeur aux
10 maquisards qui organisent la libération de 26 patriotes détenus à la prison du Puy-en-Velay. Il met en place la section Wodli à Lalouvesc lors d’un repli stratégique du groupe. En
septembre 1943 on le retrouve dans la Vallée du Rhône avec les hommes du WODLI pour les sabotages des voies ferrées. Le 25 septembre il est à Saint-Etienne où il participe à
l’évasion de 32 détenus de la prison Bellevue. Dans la nuit du 1er au 2 octobre il est membre du commando qui organise la deuxième et spectaculaire évasion de la prison du Puy-en-
Velay permettant à 81 détenus de prendre le large, dont Vasco CORSI Rober IMBERT et Théo VIAL-MASSAT. Il participera à plusieurs coups de main avec le maquis de l’Armée
Secrète de Rochepaule. En avril 1944, il fait partie de le la « brigade spéciale » du Réseau Wodli. Lors d’une mission dans la Vallée de l’Ondaine il est blessé par balle au flanc
gauche. Malgré sa blessure, il participe aux actions de harcèlement contre l’Occupant. En juillet, toujours avec la rage de combattre l’ennemi, on le retrouve avec les Francs-Tireurs et
Partisans Français (F.T.P.F) du camp WODLI attaquant un train sur la région d’Annonay.
Régis CROS sera tué à 20 ans au combat dans la région de Saint-Paulien en Haute-Loire en tentant de porter secours à deux membres du Réseau Wodli aux mains des Allemands.Il est inhumé dans le caveau familial du cimetière de Rochepaule..Des Résistants de l’ombre.
Si plusieurs noms de la Résistance rochepauloise sont bien connus, il semble important de
souligner quelques Résistants de l’ombre dont le rôle est méconnu. Joseph PATOUILLARD,
« Marin » en Résistance fut le chef de section de l’Armée Secrète, refusant d’exécuter un
ordre de repli, il ordonna d’engager la bataille de Soyons. Il fut le coordinateur entre les deux
maquis de Rochepaule et prépara notamment l’attaque du convoi allemand près de Lalouvesc
qui permit de libérer plusieurs Résistants arrêtés. Sa mère Jeanne VALLET fut la secrétaire
du maquis de l’Armée Secrète, tandis qu’un autre membre de la famille Robert VALLET
planifiera l’attaque du dépôt d’essence de Lamastre avant que de s’engager comme pilote
dans l’aviation. Il participera à la libération de Saint–Etienne et de Lyon. L’abbé Pierre
DUMONT occupait la fonction de secrétaire de mairie, il déroba et confectionna de
nombreux faux-papiers et des fausses cartes d’alimentation pour les jeunes réfractaires au
S.T.O. Il fut tabassé par la milice pour avoir refusé de dire la direction où se trouvait le camp
des Maquisards au Grand-Pré. De son nom de Résistance « Albion » Francis GOMEZ était
cheminot. Plusieurs fois arrêté par la Gestapo pour actes de sabotages, vols au profit de la
Résistance, il rejoindra le Réseau Wodli à Rochepaule et participera à de nombreuses
opérations contre l’Occupant. Envoyé en mission de reconnaissance de « La Bataille de
Soyons », il sera tué en protégeant le repli de ses hommes. Il était âgé de 32 ans. Le rôle joué
par les FLORENT, les BERTONNIER, Michel DAHAN et son épouse appelée « Rose »,
Pierre DAHAN fut décisif pour parvenir à cacher des réfugiés et à mener des actions
clandestines. On peut citer l’abbé Victor ALLEGRE, pétainiste notoire mais qui jamais ne
dénonça l’activité de Claudius BRUNIER, s’arrangea pour faire échec à une opération
majeure des G.M.R à Rochepaule et sur le Haut-Vivarais, en transmettant au maquis les
confidences reçues. Comme le dit Paul GUIGON maquisard de l’Armée Secrète, habitant au
Bosc, là où s’implanta initialement le Réseau Wodli : « ALLEGRE, c’était un type tout à fait
de l’autre côté, il a sauvé plusieurs vies de maquisards et à éviter à son vicaire résistant
d’être déporté avec de pieux mensonges »….Les larmes de Paul Guigon, centenaire et dernier survivant du maquis AS de Rochepaule..